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LES ROUGON-MACQUART.

mura de nouveau l’abbé Mouret, en leur donnant une dernière bénédiction.

Amen, répondit Vincent.

Il était de grand matin. Le soleil n’entrait pas encore par les larges fenêtres de l’église. Au dehors, sur les branches du sorbier, dont la verdure semblait avoir enfoncé les vitres, on entendait le réveil bruyant des moineaux. La Teuse, qui n’avait pas eu le temps de faire le ménage du bon Dieu, époussetait les autels, se haussait sur sa bonne jambe pour essuyer les pieds du Christ barbouillé d’ocre et de laque, rangeait les chaises le plus discrètement possible, s’inclinant, se signant, se frappant la poitrine, suivant la messe, tout en ne perdant pas un seul coup de plumeau. Seule, au pied de la chaire, à quelques pas des époux, la mère Brichet assistait au mariage ; elle priait d’une façon outrée ; elle restait à genoux, avec un balbutiement si fort, que la nef était comme pleine d’un vol de mouches. Et, à l’autre bout, à côté du confessionnal, Catherine tenait sur ses bras un enfant au maillot ; l’enfant s’étant mis à pleurer, elle avait dû tourner le dos à l’autel, le faisant sauter, l’amusant avec la corde de la cloche qui lui pendait juste sur le nez.

Dominus vobiscum, dit le prêtre, se tournant, les mains élargies.

Et cum spiritu tuo, répondit Vincent.

À ce moment, trois grandes filles entrèrent. Elles se poussaient, pour voir, sans oser pourtant trop avancer. C’étaient trois amies de la Rosalie, qui, en allant aux champs, venaient de s’échapper, curieuses d’entendre ce que monsieur le curé dirait aux mariés. Elles avaient de gros ciseaux pendus à la ceinture. Elles finirent par se cacher derrière le baptistère, se pinçant, se tordant avec des déhanchements de grandes vauriennes, étouffant des rires dans leurs poings fermés.