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LES ROUGON-MACQUART.

— Ah ! si tu savais ! souffla-t-elle doucement à son oreille.

Elle s’enhardit, en voyant qu’il ne cessait pas de sourire.

— C’est un mensonge, ce n’est pas défendu, murmura-t-elle. Tu es un homme, tu ne dois pas avoir peur… Si nous allions là, et que quelque danger me menaçât, tu me défendrais, n’est-ce pas ? Tu saurais bien m’emporter à ton cou ? Moi, je suis tranquille, quand je suis avec toi… Vois donc comme tu as des bras forts. Est-ce qu’on redoute quelque chose, lorsqu’on a des bras aussi forts que les tiens !

D’une main, elle le flattait, longuement, sur les cheveux, sur la nuque, sur les épaules.

— Non, ce n’est pas défendu, reprit-elle. Cette histoire-là est bonne pour les bêtes. Ceux qui l’ont répandue, autrefois, avaient intérêt à ce qu’on n’allât pas les déranger dans l’endroit le plus délicieux du jardin… Dis-toi que, dès que tu seras assis sur ce tapis d’herbe, tu seras parfaitement heureux. Alors seulement nous connaîtrons tout, nous serons les vrais maîtres… Écoute-moi, viens avec moi.

Il refusa de la tête, mais sans colère, en homme que ce jeu amusait. Puis, au bout d’un silence, désolé de la voir bouder, voulant qu’elle le caressât encore, il ouvrit enfin les lèvres, il demanda :

— Où est-ce ?

Elle ne répondit pas d’abord. Elle semblait regarder au loin.

— C’est là-bas, murmura-t-elle. Je ne puis pas t’indiquer. Il faut suivre la longue allée, puis on tourne à gauche, et encore à gauche. Nous avons dû passer à côté vingt fois… Va, tu aurais beau chercher, tu ne trouverais pas, si je ne t’y menais par la main. Moi, j’irais tout droit, bien qu’il me soit impossible de t’enseigner le chemin.

— Et qui t’a conduite ?

— Je ne sais pas… Les plantes, ce matin-là, avaient