vement, avec de rares paroles très-douces, qui les navraient. Les yeux d’Albine étaient encore plus meurtris que ceux de Serge, et ils l’imploraient.
Puis, au bout d’une semaine, Albine ne resta plus que quelques minutes. Elle paraissait l’éviter. Elle arrivait, toute soucieuse, se tenait debout, avait hâte de sortir. Quand il l’interrogeait, lui reprochant de n’être plus son amie, elle détournait la tête, pour ne pas avoir à répondre. Jamais elle ne voulait lui conter l’emploi des matinées qu’elle vivait loin de lui. Elle secouait la tête d’un air gêné, parlait de sa paresse. S’il la pressait davantage, elle se retirait d’un bond, lui jetait le soir un simple adieu au travers de la porte. Cependant, lui, voyait bien qu’elle devait pleurer souvent. Il suivait sur son visage les phases d’un espoir toujours déçu, la continuelle révolte d’un désir acharné à se satisfaire. Certains jours, elle était mortellement triste, la face découragée, avec une marche lente qui hésitait à tenter plus longtemps la joie de vivre. D’autres jours, elle avait des rires contenus, la figure rayonnante d’une pensée de triomphe, dont elle ne voulait pas parler encore, les pieds inquiets, ne pouvant tenir en place, ayant hâte de courir à une dernière certitude. Et, le lendemain, elle retombait à ses désolations, pour se remettre à espérer le jour suivant. Mais ce qu’il lui devint bientôt impossible de cacher, ce fut une immense fatigue, une lassitude qui lui brisait les membres. Même aux instants de confiance, elle fléchissait, elle glissait au sommeil, les yeux ouverts.
Serge avait cessé de la questionner, comprenant qu’elle ne voulait pas répondre. Maintenant, dès qu’elle entrait, il la regardait avec anxiété, craignant qu’elle n’eût plus la force un soir de revenir jusqu’à lui. Où pouvait-elle se lasser ainsi ? Quelle lutte de chaque heure la rendait si désolée et si heureuse ? Un matin, un léger pas qu’il entendit sous ses fenêtres le fit tressaillir. Ce ne pouvait être un chevreuil