Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/228

Cette page a été validée par deux contributeurs.
228
LES ROUGON-MACQUART.

— Alors, tu me permets de te prendre comme cela ? Nous retournerons sous les arbres.

— Oui. Tu peux me serrer, tu me fais plaisir. Et marchons lentement, n’est-ce pas ? pour ne pas retrouver notre chemin trop vite.

Il lui avait passé un bras à la taille. Ce fut ainsi qu’ils revinrent sous les hautes futaies, où la majesté des voûtes ralentit encore leur promenade de grands enfants qui s’éveillaient à l’amour. Elle se dit un peu lasse, elle appuya la tête contre l’épaule de Serge. Ni l’un ni l’autre pourtant ne parla de s’asseoir. Ils n’y songeaient pas, cela les aurait dérangés. Quelle joie pouvait leur procurer un repos sur l’herbe, comparée à la joie qu’ils goûtaient en marchant toujours, côte à côte ? L’arbre légendaire était oublié. Ils ne cherchaient plus qu’à rapprocher leur visage, pour se sourire de plus près. Et c’étaient les arbres, les érables, les ormes, les chênes, qui leur soufflaient leurs premiers mots de tendresse, dans leur ombre claire.

— Je t’aime ! disait Serge d’une voix légère qui soulevait les petits cheveux dorés des tempes d’Albine.

Il voulait trouver une autre parole, il répétait :

— Je t’aime ! je t’aime !

Albine écoutait avec un beau sourire. Elle apprenait cette musique.

— Je t’aime ! je t’aime ! soupirait-elle plus délicieusement, de sa voix perlée de jeune fille.

Puis, levant ses yeux bleus, où une aube de lumière grandissait, elle demanda :

— Comment m’aimes-tu ?

Alors, Serge se recueillit. Les futaies avaient une douceur solennelle, les nefs profondes gardaient le frisson des pas assourdis du couple.

— Je t’aime plus que tout, répondit-il. Tu es plus belle que tout ce que je vois, le matin, en ouvrant ma fenêtre.