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LES ROUGON-MACQUART.

elle lui parla des jours heureux où les oranges mûrissaient. Le bois alors était tout doré, tout éclairé de ces étoiles rondes, qui criblaient de leurs feux jaunes la voûte verte.

Puis, quand ils s’en allèrent enfin, elle s’arrêta à chaque rejet sauvage, s’emplissant les poches de petites poires âpres, de petites prunes aigres, disant que ce serait pour manger en route. C’était cent fois meilleur que tout ce qu’ils avaient goûté jusque-là. Il fallut que Serge en avalât, malgré les grimaces qu’il faisait à chaque coup de dent. Ils rentrèrent éreintés, heureux, ayant tant ri, qu’ils avaient mal aux côtes. Même, ce soir-là, Albine n’eut pas le courage de remonter chez elle ; elle s’endormit aux pieds de Serge, en travers sur le lit, rêvant qu’elle montait aux arbres, achevant de croquer en dormant les fruits des sauvageons, qu’elle avait cachés sous la couverture, à côté d’elle.