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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

d’entre eux, un bout d’homme, le derrière en l’air, la tête en bas, qui polissonnait. Albine tapait des mains, criait qu’il ressemblait à un hanneton tenu par un fil. Puis, comme prise de pitié :

— Non, non, détache-le… Ça l’empêche de voler.

Mais ce furent surtout les Amours peints au-dessus des portes, qui occupèrent vivement Serge. Il se fâchait de ne pouvoir comprendre à quels jeux ils jouaient, tant les peintures étaient pâlies. Aidé d’Albine, il roula une table, sur laquelle ils grimpèrent tous les deux. Albine donnait des explications.

— Regarde, ceux-ci jettent des fleurs. Sous les fleurs, on ne voit plus que trois jambes nues. Je crois me souvenir qu’en arrivant ici, j’ai pu distinguer encore une dame couchée. Mais, depuis le temps, elle s’en est allée.

Ils firent le tour des panneaux, sans que rien d’impur leur vînt de ces jolies indécences de boudoir. Les peintures, qui s’émiettaient comme un visage fardé du dix-huitième siècle, étaient assez mortes pour ne laisser passer que les genoux et les coudes des corps pâmés dans une luxure aimable. Les détails trop crus, auxquels paraissait s’être complu l’ancien amour dont l’alcôve gardait la lointaine odeur, avaient disparu, mangés par le grand air ; si bien que la chambre, ainsi que le parc, était naturellement redevenue vierge, sous la gloire tranquille du soleil.

— Bah ! ce sont des gamins qui s’amusent, dit Serge, en redescendant de la table… Est-ce que tu sais jouer à la main chaude, toi ?

Albine savait jouer à tous les jeux. Seulement, il fallait être au moins trois pour jouer à la main chaude. Cela les fit rire. Mais Serge s’écria qu’on était trop bien deux, et ils jurèrent de n’être toujours que deux.

— On est tout à fait chez soi, on n’entend rien, reprit le jeune homme, qui s’allongea sur le canapé. Et les meu-