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LES ROUGON-MACQUART.

tout oublié, comme endormi au fond de la grande maison silencieuse. Il revoyait la cellule étroite où il avait passé ses deux années de philosophie, une case meublée d’un lit, d’une table et d’une chaise, séparée des cases voisines par des planches mal jointes, dans une immense salle qui contenait une cinquantaine de réduits pareils. Il revoyait sa cellule de théologien, habitée pendant trois autres années, plus grande, avec un fauteuil, une toilette, une bibliothèque, heureuse chambre emplie des rêves de sa foi. Le long des couloirs interminables, le long des escaliers de pierre, à certains angles, il avait eu des révélations soudaines, des secours inespérés. Les hauts plafonds laissaient tomber des voix d’anges gardiens. Pas un carreau des salles, pas une pierre des murs, pas une branche des platanes, qui ne lui parlaient des jouissances de sa vie contemplative, ses bégayements de tendresse, sa lente initiation, les caresses reçues en retour du don de son être, tout ce bonheur des premières amours divines. Tel jour, en s’éveillant, il avait vu une vive lueur qui l’avait baigné de joie. Tel soir, en fermant la porte de sa cellule, il s’était senti saisir au cou par des mains tièdes, si tendrement, qu’en reprenant connaissance, il s’était trouvé par terre, pleurant à gros sanglots. Puis parfois, surtout sous la petite voûte qui menait à la chapelle, il avait abandonné sa taille à des bras souples qui l’enlevaient. Tout le ciel s’occupait alors de lui, marchait autour de lui, mettait dans ses moindres actes, dans la satisfaction de ses besoins les plus vulgaires, un sens particulier, un parfum surprenant dont ses vêtements, sa peau elle-même, semblaient garder à jamais la lointaine odeur. Et il se souvenait encore des promenades du jeudi. On partait à deux heures pour quelque coin de verdure, à une lieue de Plassans. C’était le plus souvent au bord de la Viorne, dans le bout d’un pré, avec des saules noueux qui laissaient tremper leurs feuilles au fil de l’eau. Il ne voyait