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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

tière, jusqu’à ce que, le dernier grain du Rosaire s’échappant de ses mains, il se sentit défaillir à la pensée de la séparation.

Bien des fois le jeune homme avait ainsi passé les nuits, recommençant à vingt reprises les dizaines d’Ave, retardant toujours le moment où il devrait prendre congé de sa chère maîtresse. Le jour naissait, qu’il chuchotait encore. C’était la lune, disait-il pour se tromper lui-même, qui faisait pâlir les étoiles. Ses supérieurs devaient le gronder de ces veilles dont il sortait alangui, le teint si blanc, qu’il semblait avoir perdu du sang. Longtemps il avait gardé au mur de sa cellule une gravure coloriée du Sacré-Cœur de Marie. La Vierge, souriant d’une façon sereine, écartait son corsage, montrait dans sa poitrine un trou rouge, où son cœur brûlait, traversé d’une épée, couronné de roses blanches. Cette épée le désespérait ; elle lui causait cette intolérable horreur de la souffrance chez la femme, dont la seule pensée le jetait hors de toute soumission pieuse. Il l’effaça, il ne garda que le cœur couronné et flambant, arraché à demi de cette chair exquise pour s’offrir à lui. Ce fut alors qu’il se sentit aimé. Marie lui donnait son cœur, son cœur vivant, tel qu’il battait dans son sein, avec l’égouttement rose de son sang. Il n’y avait plus là une image de passion dévote, mais une matérialité, un prodige de tendresse, qui, lorsqu’il priait devant la gravure, lui faisait élargir les mains pour recevoir religieusement le cœur sautant de la gorge sans tache. Il le voyait, il l’entendait battre. Et il était aimé, le cœur battait pour lui ! C’était comme un affolement de tout son être, un besoin de baiser le cœur, de se fondre en lui, de se coucher avec lui au fond de cette poitrine ouverte. Elle l’aimait activement, jusqu’à le vouloir dans l’éternité auprès d’elle, toujours à elle. Elle l’aimait efficacement, sans cesse occupée de lui, le suivant partout, lui évitant les moindres infidélités. Elle l’aimait tendrement, plus que