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dame Delaherche, un ami à elle, intime, disait-on, lorsqu’elle était à Mézières madame Maginot, femme de M. Maginot, inspecteur des forêts.

— Embrassez bien Henriette pour moi, répétait à Weiss le jeune homme, qui aimait passionnément sa sœur. Dites-lui qu’elle sera contente, que je veux la rendre enfin fière de moi.

Des larmes lui emplissaient les yeux, au souvenir de ses folies. Son beau-frère, ému lui-même, coupa court, en s’adressant à Honoré Fouchard, l’artilleur.

— Et, dès que je passerai à Remilly, je monterai dire à l’oncle Fouchard que je vous ai vu et que vous vous portez bien.

L’oncle Fouchard, un paysan, qui avait quelques terres et qui faisait le commerce de boucher ambulant, était un frère de la mère d’Henriette et de Maurice. Il habitait Remilly, en haut, sur le coteau, à six kilomètres de Sedan.

— Bon ! répondit tranquillement Honoré, le père s’en fiche, mais allez-y tout de même, si ça vous fait plaisir.

À cette minute, une agitation se produisit, du côté de la ferme ; et ils en virent sortir, libre, conduit par un seul officier, le rôdeur, l’homme qu’on avait accusé d’être un espion. Sans doute, il avait montré des papiers, conté une histoire, car on l’expulsait simplement du camp. De si loin, dans l’ombre naissante, on le distinguait mal, énorme, carré, avec une tête roussâtre.

Pourtant, Maurice eut un cri.

— Honoré, regarde donc… On dirait le Prussien, tu sais, Goliath !

Ce nom fit sursauter l’artilleur. Il braqua ses yeux ardents. Goliath Steinberg, le garçon de ferme, l’homme qui l’avait fâché avec son père, qui lui avait pris Silvine, toute la vilaine histoire, toute l’abominable saleté dont il souffrait encore ! Il aurait couru, l’aurait étranglé. Mais