avant, un fossé la défendait, plein d’eau croupie, où nageait un cadavre de fédéré ; et, par une brèche, on apercevait les maisons du carrefour Saint-Honoré, qui achevaient de brûler, malgré les pompes venues de la banlieue, dont on distinguait le ronflement. À droite et à gauche, les petits arbres, les kiosques des marchandes de journaux, étaient brisés, criblés de mitraille. De grands cris s’élevaient, les pompiers venaient de découvrir, dans une cave, sept locataires d’une des maisons, à moitié carbonisés.
Bien que la barricade, barrant la rue Saint-Florentin et la rue de Rivoli, parût plus formidable encore, avec ses hautes constructions savantes, Jean avait eu l’instinct d’y sentir le passage moins dangereux. Elle était en effet complètement évacuée, sans que la troupe eût encore osé l’occuper. Des canons y dormaient, dans un lourd abandon. Pas une âme derrière cet invincible rempart, rien qu’un chien errant qui se sauva. Mais, comme Jean se hâtait, dans la rue Saint-Florentin, soutenant Maurice affaibli, ce qu’il craignait arriva, ils se heurtèrent contre toute une compagnie du 88e de ligne, qui avait tourné la barricade.
— Mon capitaine, expliqua-t-il, c’est un camarade que ces brigands viennent de blesser, et que je conduis à l’ambulance.
La capote, jetée sur les épaules de Maurice, le sauva, et le cœur de Jean sautait à se rompre, pendant qu’ils descendaient enfin ensemble la rue Saint-Honoré. Le jour pointait à peine, des coups de feu partaient des rues transversales, car on se battait encore dans tout le quartier. Ce fut un miracle, s’ils purent atteindre la rue des Frondeurs, sans faire d’autre mauvaise rencontre. Ils n’allaient plus que très lentement, ces trois ou quatre cents mètres à parcourir semblèrent interminables. Puis, rue des Frondeurs, ils tombèrent dans un poste de communards ;