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trai, ce sera d’emporter mon souvenir, avec la consolation de se dire qu’il a agi correctement, en galant homme qui a longtemps habité Paris.

Elle s’égayait, elle ajouta :

— En attendant, il va faire remettre en liberté l’oncle Fouchard, et il n’aura pour sa peine qu’une tasse de thé, sucrée de ma main.

Mais, tout d’un coup, elle revint à ses craintes, à l’effroi d’avoir été surprise. Des larmes reparurent au bord de ses paupières.

— Mon Dieu ! et madame Delaherche ?… Que va-t-il se passer ? Elle ne m’aime guère, elle est capable de tout dire à mon mari.

Henriette avait fini par se remettre. Elle essuya les yeux de son amie, elle la força de réparer le désordre de ses vêtements.

— Écoute, ma chère, je n’ai pas la force de te gronder, et pourtant tu sais si je te blâme ! Mais on m’avait fait une telle peur avec ton Prussien, j’ai redouté des choses si laides, que l’autre histoire, ma foi ! est un soulagement… Calme-toi, tout peut s’arranger.

C’était fort sage, d’autant plus que Delaherche, presque aussitôt, entra avec sa mère. Il expliqua qu’il venait d’envoyer chercher la voiture qui devait le conduire en Belgique, décidé à prendre le train pour Bruxelles, le soir même. Il voulait donc faire ses adieux à sa femme. Puis, se tournant vers Henriette :

— Soyez tranquille, monsieur de Gartlauben, en me quittant, m’a promis de s’occuper de votre oncle ; et, quand je ne serai plus là, ma femme fera le reste.

Depuis que madame Delaherche était entrée, Gilberte ne la quittait pas des yeux, le cœur serré d’angoisse. Allait-elle parler, dire ce qu’elle venait de voir, empêcher son fils de partir ? La vieille dame, silencieuse, avait, dès la porte, fixé, elle aussi, les regards sur sa belle-fille. Dans