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ville de treize mille habitants ! Et vous nous demandez encore quarante-deux mille francs de contribution, je ne sais sous quel prétexte ! est-ce que c’est juste, est-ce que c’est raisonnable ?

M. de Gartlauben hochait la tête, se contentait de répondre :

— Que voulez-vous ? c’est la guerre, c’est la guerre !

Et l’attente se prolongeait, les oreilles d’Henriette bourdonnaient, toutes sortes de vagues et tristes pensées l’assoupissaient à demi, dans l’embrasure de la fenêtre, pendant que Delaherche donnait sa parole d’honneur que jamais Sedan n’aurait pu faire face à la crise, dans le manque total du numéraire, sans l’heureuse création d’une monnaie fiduciaire locale, du papier-monnaie de la caisse du crédit industriel, qui avait sauvé la ville d’un désastre financier.

— Capitaine, vous reprendrez bien un petit verre de cognac.

Et il sauta à un autre sujet.

— Ce n’est pas la France qui a fait la guerre, c’est l’Empire… Ah ! l’empereur m’a bien trompé. Tout est fini avec lui, nous nous laisserions démembrer plutôt… Tenez ! un seul homme a vu clair en juillet, oui ! monsieur Thiers, dont le voyage actuel, au travers des capitales de l’Europe, est encore un grand acte de sagesse et de patriotisme. Tous les vœux des gens raisonnables l’accompagnent, puisse-t-il réussir !

D’un geste, il acheva sa pensée, car il eût jugé malséant, devant un Prussien, même sympathique, d’exprimer un désir de paix. Mais ce désir, il était ardemment en lui, comme au fond de toute l’ancienne bourgeoisie plébiscitaire et conservatrice. On allait être à bout de sang et d’argent, il fallait se rendre ; et une sourde rancune contre Paris qui s’entêtait dans sa résistance, montait de toutes les provinces occupées. Aussi conclut-il à voix plus basse, faisant