Page:Zola - La Débâcle.djvu/520

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pente, avec le trot assourdi du cheval dans la neige. Et ce fut le vieux qui reçut les hommes.

— Ah ! bon ! c’est vous trois… Qu’est-ce que vous m’apportez, sur cette brouette ?

Sambuc, avec sa maigreur de bandit, enfoncé dans une blouse de laine bleue, trop large, ne l’entendit même pas, exaspéré contre Prosper, son honnête homme de frère, comme il disait, qui se décidait seulement à ouvrir la porte.

— Dis donc, toi ! est-ce que tu nous prends pour des mendiants, à nous laisser dehors par un temps pareil ?

Mais, tandis que Prosper, très calme, haussant les épaules sans répondre, faisait rentrer le cheval et la carriole, ce fut de nouveau le père Fouchard qui intervint, penché sur la brouette.

— Alors, c’est deux moutons crevés que vous m’apportez… Ça va bien qu’il gèle, sans quoi ils ne sentiraient guère bon.

Cabasse et Ducat, les deux lieutenants de Sambuc, qui l’accompagnaient dans toutes ses expéditions, se récrièrent.

— Oh ! dit le premier, avec sa vivacité criarde de Provençal, ils n’ont pas plus de trois jours… c’est des bêtes mortes à la ferme des Raffins, où il y a un sale coup de maladie sur les animaux.

Procumbit humi bos, déclama l’autre, l’ancien huissier que son goût trop vif pour les petites filles avait déclassé et qui aimait à citer du latin.

D’un hochement de tête, le père Fouchard continuait à déprécier la marchandise, qu’il affectait de trouver trop avancée. Et il conclut, en entrant dans la cuisine avec les trois hommes :

— Enfin, il faudra qu’ils s’en contentent… Ça va bien qu’à Raucourt ils n’ont plus une côtelette. Quand on a faim, n’est-ce pas ? on mange de tout.