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chambre, pour se donner tout entière aux blessés de l’ambulance voisine. Cela seul, disait-elle, la distrairait. Elle payait sa pension, elle était, à la ferme, la source de mille douceurs qui la faisaient regarder par le vieux d’un œil de complaisance. Quand il gagnait, c’était toujours beau.

— Ah ! ma sœur est ici ! répétait Maurice. C’est donc ça que Monsieur Delaherche voulait me dire, avec son grand geste que je ne comprenais pas !… Eh bien ! si elle est ici, ça va tout seul, nous restons.

Tout de suite, il voulut aller lui-même, malgré sa fatigue, la chercher à l’ambulance, où elle avait passé la nuit ; tandis que l’oncle se fâchait maintenant de ne pouvoir filer avec sa carriole et ses deux moutons, pour son commerce de boucher ambulant, au travers des villages, tant que cette sacrée affaire de blessé qui lui tombait sur les bras, ne serait pas finie.

Lorsque Maurice ramena Henriette, ils surprirent le père Fouchard en train d’examiner soigneusement le cheval, que Prosper venait de conduire à l’écurie. Une bête fatiguée, mais diablement solide, et qui lui plaisait ! En riant, le jeune homme dit qu’il lui en faisait cadeau. Henriette, de son côté, le prit à part, lui expliqua que Jean payerait, qu’elle-même se chargeait de lui, qu’elle le soignerait dans la petite chambre, derrière l’étable, où certes pas un Prussien n’irait le chercher. Et le père Fouchard, maussade, mal convaincu encore qu’il trouverait au fond de tout ça un vrai bénéfice, finit cependant par monter dans sa carriole et par s’en aller, en la laissant libre d’agir à sa guise.

Alors, en quelques minutes, aidée de Silvine et de Prosper, Henriette organisa la chambre, y fit porter Jean, que l’on coucha dans un lit tout frais, sans qu’il donnât d’autres signes de vie que des balbutiements vagues. Il ouvrait les yeux, regardait, ne semblait voir personne. Maurice achevait de boire un verre de vin et de manger un reste de