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Il lui avait pris le bras, il l’aidait, tous les deux ayant la hâte de s’éloigner. Au bout de quelques pas, faits péniblement, d’un héroïque effort, ils s’arrêtèrent, de nouveau inquiets, en apercevant devant eux une maison, une sorte de petite ferme, à la lisière du bois. Pas une lumière ne luisait aux fenêtres, la porte de la cour était grande ouverte, sur le bâtiment vide et noir. Et, quand ils se furent enhardis jusqu’à pénétrer dans cette cour, ils s’étonnèrent d’y trouver un cheval tout sellé, sans que rien indiquât pourquoi ni comment il était là. Peut-être le maître allait-il revenir, peut-être gisait-il derrière quelque buisson, la tête trouée. Jamais ils ne le surent.

Mais un projet brusque était né chez Maurice, qui en parut tout ragaillardi.

— Écoute, la frontière est trop loin, et puis, décidément, il faudrait un guide… Tandis que, si nous allions à Remilly, chez l’oncle Fouchard, je serais certain de t’y conduire les yeux fermés, tellement je connais les moindres chemins de traverse… Hein ? c’est une idée, je vais te hisser sur ce cheval, et l’oncle Fouchard nous prendra bien toujours.

D’abord, il voulut lui examiner la jambe. Il y avait deux trous, la balle devait être ressortie après avoir cassé le tibia. L’hémorragie était faible, il se contenta de bander fortement le mollet avec son mouchoir.

— File donc tout seul ! répétait Jean.

— Tais-toi, tu es bête !

Lorsque Jean fut solidement installé sur la selle, Maurice prit la bride du cheval, et l’on partit. Il devait être près de onze heures, il comptait bien faire en trois heures le trajet, même si l’on ne marchait qu’au pas. Mais la pensée d’une difficulté imprévue le désespéra un instant : comment allaient-ils traverser la Meuse, pour passer sur la rive gauche ? Le pont de Mouzon était certainement gardé. Enfin, il se rappela qu’il y avait un bac, en aval, à