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aises, l’autre accroupi, très occupé à recoudre soigneusement une déchirure de sa culotte, éclatèrent, égayés par l’affreuse grimace de cette brute de Lapoulle.

— Tourne-toi, souffle de l’autre côté, ça ira mieux ! cria Chouteau.

Jean les laissa rire. On n’allait peut-être plus en trouver si souvent l’occasion ; et lui, avec son air de gros garçon sérieux, à la figure pleine et régulière, n’était pourtant pas pour la mélancolie, fermant les yeux volontiers quand ses hommes prenaient du plaisir. Mais un autre groupe l’occupa, un soldat de son escouade encore, Maurice Levasseur, en train, depuis une heure bientôt, de causer avec un civil, un monsieur roux d’environ trente-six ans, une face de bon chien, éclairée de deux gros yeux bleus à fleur de tête, des yeux de myope qui l’avaient fait réformer. Un artilleur de la réserve, maréchal des logis, l’air crâne et d’aplomb avec ses moustaches et sa barbiche brunes, était venu les rejoindre ; et tous les trois s’oubliaient là, comme en famille.

Obligeamment, pour leur éviter quelque algarade, Jean crut devoir intervenir.

— Vous feriez bien de partir, monsieur. Voici la retraite, si le lieutenant vous voyait…

Maurice ne le laissa pas achever.

— Restez donc, Weiss.

Et, sèchement, au caporal :

— Monsieur est mon beau-frère. Il a une permission du colonel, qu’il connaît.

De quoi se mêlait-il, ce paysan, dont les mains sentaient encore le fumier ? Lui, reçu avocat au dernier automne, engagé volontaire que la protection du colonel avait fait incorporer dans le 106e, sans passer par le dépôt, consentait bien à porter le sac ; mais, dès les premières heures, une répugnance, une sourde révolte l’avait dressé contre cet illettré, ce rustre qui le commandait.