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vivace de vivre, de reprendre l’outil ou la charrue, pour rebâtir la maison, selon sa parole. Il était du vieux sol obstiné et sage, du pays de la raison, du travail et de l’épargne.

— Tout de même, reprit-il, ça me fait de la peine pour l’empereur… Les affaires avaient l’air de marcher, le blé se vendait bien… Mais sûrement qu’il a été trop bête, on ne se fourre pas dans des histoires pareilles !

Maurice, qui demeurait anéanti, eut un nouveau geste de désolation.

— Ah ! l’empereur, je l’aimais au fond, malgré mes idées de liberté et de république… Oui, j’avais ça dans le sang, à cause de mon grand-père sans doute… Et, voilà que c’est également pourri de ce côté-là, où allons-nous tomber ?

Ses yeux s’égaraient, il eut une plainte si douloureuse, que Jean, pris d’inquiétude, se décidait à se mettre debout, lorsqu’il vit entrer Henriette. Elle venait de se réveiller, en entendant le bruit des voix, de la chambre voisine. Un jour blême, maintenant, éclairait la pièce.

— Vous arrivez à propos pour le gronder, dit-il, affectant de rire. Il n’est guère sage.

Mais la vue de sa sœur, si pâle, si affligée, avait déterminé chez Maurice une crise salutaire d’attendrissement. Il ouvrit les bras, l’appela sur sa poitrine ; et, lorsqu’elle se fut jetée à son cou, une grande douceur le pénétra. Elle pleurait elle-même, leurs larmes se mêlèrent.

— Ah ! ma pauvre, pauvre chérie, que je m’en veux de n’avoir pas plus de courage pour te consoler !… Ce bon Weiss, ton mari qui t’aimait tant ! que vas-tu devenir ? Toujours, tu as été la victime, sans que jamais tu te sois plainte… Moi-même, t’en ai-je causé déjà du chagrin, et qui sait si je ne t’en causerai pas encore !

Elle le faisait taire, lui mettait la main sur la bouche, lorsque Delaherche entra, bouleversé, hors de lui. Il