soie du drapeau, la déchira, cherchant à l’anéantir. Et ce fut à ce moment que, frappé au cou, à la poitrine, aux jambes, il s’affaissa parmi ces lambeaux tricolores, comme vêtu d’eux. Il vécut encore une minute, les yeux élargis, voyant peut-être monter à l’horizon la vision vraie de la guerre, l’atroce lutte vitale qu’il ne faut accepter que d’un cœur résigné et grave, ainsi qu’une loi. Puis, il eut un petit hoquet, il s’en alla dans son ahurissement d’enfant, tel qu’un pauvre être borné, un insecte joyeux, écrasé sous la nécessité de l’énorme et impassible nature. Avec lui, finissait une légende.
Tout de suite, dès l’arrivée des Prussiens, Jean et Maurice avaient battu en retraite, d’arbre en arbre, en protégeant le plus possible Henriette, derrière eux. Ils ne cessaient pas de tirer, lâchaient un coup, puis gagnaient un abri. En haut du parc, Maurice connaissait une petite porte, qu’ils eurent la chance de trouver ouverte. Vivement, ils s’échappèrent tous les trois. Ils étaient tombés dans une étroite traverse qui serpentait entre deux hautes murailles. Mais, comme ils arrivaient au bout, des coups de feu les firent se jeter à gauche, dans une autre ruelle. Le malheur voulut que ce fût une impasse. Ils durent revenir au galop, tourner à droite, sous une grêle de balles. Et, plus tard, jamais ils ne se souvinrent du chemin qu’ils avaient suivi. On se fusillait encore à chaque angle de mur, dans ce lacis inextricable. Des batailles s’attardaient sous les portes charretières, les moindres obstacles étaient défendus et emportés d’assaut, avec un acharnement terrible. Puis, tout d’un coup, ils débouchèrent sur la route du fond de Givonne, près de Sedan.
Une dernière fois, Jean leva la tête, regarda vers l’ouest, d’où montait une grande lueur rose ; et il eut enfin un soupir de soulagement immense.
— Ah ! ce cochon de soleil, le voilà donc qui se couche !