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core un instant avec elle, guettant le départ du général Lebrun. Et, quand celui-ci reparut, il le suivit.

Le général Lebrun avait expliqué à l’empereur que, si l’on voulait demander un armistice, il fallait qu’une lettre, signée du commandant en chef de l’armée française, fût remise au commandant en chef des armées allemandes. Puis, il s’était offert pour écrire cette lettre et pour se mettre à la recherche du général de Wimpffen, qui la signerait. Il emportait la lettre, il n’avait que la crainte de ne pas trouver ce dernier, ignorant sur quel point du champ de bataille il pouvait être. Dans Sedan, d’ailleurs, la cohue devenait telle, qu’il dut marcher au pas de son cheval ; ce qui permit à Delaherche de l’accompagner jusqu’à la porte du Ménil.

Mais, sur la route, le général Lebrun prit le galop, et il eut la chance, comme il arrivait à Balan, d’apercevoir le général de Wimpffen. Celui-ci, quelques minutes plus tôt, avait écrit à l’empereur : « Sire, venez vous mettre à la tête de vos troupes, elles tiendront à honneur de vous ouvrir un passage à travers les lignes ennemies. » Aussi entra-t-il dans une furieuse colère, au seul mot d’armistice. Non, non ! Il ne signerait rien, il voulait se battre ! Il était trois heures et demie. Et ce fut peu de temps après qu’eut lieu la tentative héroïque et désespérée, cette poussée dernière, pour ouvrir une trouée au travers des Bavarois, en marchant une fois encore sur Bazeilles. Par les rues de Sedan, par les champs voisins, afin de rendre du cœur aux troupes, on mentait, on criait : « Bazaine arrive ! Bazaine arrive ! » Depuis le matin, c’était le rêve de beaucoup, on croyait entendre le canon de l’armée de Metz, à chaque batterie nouvelle que démasquaient les Allemands. Douze cents hommes environ furent réunis, des soldats débandés de tous les corps, où toutes les armes se mêlaient ; et la petite colonne se lança glorieusement, sur la route balayée de mitraille,