sache ? Personne au monde ne sait ce qu’ils se sont dit.
C’était vrai, il eut un geste pour s’excuser de sa question sotte. Pourtant, l’idée de cette conversation suprême le tracassait : quel intérêt elle avait dû offrir ! à quel parti avaient-ils pu s’arrêter ?
— Maintenant, reprit Rose, l’empereur est rentré dans son cabinet, où il est en conférence avec deux généraux qui viennent d’arriver du champ de bataille…
Elle s’interrompit, jeta un coup d’œil vers le perron.
— Tenez ! en voici un, de ces généraux… Et, tenez ! voici l’autre.
Vivement, il sortit, reconnut le général Douay et le général Ducrot, dont les chevaux attendaient. Il les regarda se remettre en selle, puis galoper. Après l’abandon du plateau d’Illy, ils étaient accourus, chacun de son côté, pour avertir l’empereur que la bataille était perdue. Ils donnaient des détails précis sur la situation, l’armée et Sedan se trouvaient dès lors enveloppés de toutes parts, le désastre allait être effroyable.
Dans son cabinet, l’empereur se promena quelques minutes en silence, de son pas vacillant de malade. Il n’y avait plus là qu’un aide de camp, debout et muet, près d’une porte. Et lui marchait toujours, de la cheminée à la fenêtre, la face ravagée, tiraillée à présent par un tic nerveux. Le dos semblait se courber davantage, comme sous l’écroulement d’un monde ; tandis que l’œil mort, voilé des paupières lourdes, disait la résignation du fataliste qui avait joué et perdu contre le destin la partie dernière. Chaque fois, pourtant, qu’il revenait devant la fenêtre entr’ouverte, un tressaillement l’y arrêtait une seconde.
À une de ces stations si courtes, il eut un geste tremblant, il murmura :
— Oh ! ce canon, ce canon qu’on entend depuis ce matin !