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d’être arrêtés si longtemps et de perdre tant de monde devant une pareille bicoque, hurlaient, tiraillaient à distance, sans avoir l’audace de se ruer pour enfoncer la porte et les fenêtres, en bas.

— Attention ! cria le caporal, voilà une persienne qui tombe !

La violence des balles venait d’arracher une persienne de ses gonds. Mais Weiss se précipita, poussa une armoire contre la fenêtre ; et Laurent, embusqué derrière, put continuer son tir. Un des soldats gisait à ses pieds, la mâchoire fracassée, perdant beaucoup de sang. Un autre reçut une balle dans la gorge, roula jusqu’au mur, où il râla sans fin, avec un frisson convulsif de tout le corps. Ils n’étaient plus que huit, en ne comptant pas le capitaine, qui, trop affaibli pour parler, adossé au fond du lit, donnait encore des ordres, par gestes. De même que le grenier, les trois chambres du premier étage commençaient à devenir intenables, car les matelas en lambeaux n’arrêtaient plus les projectiles : des éclats de plâtre sautaient des murs et du plafond, les meubles s’écornaient, les flancs de l’armoire se fendaient comme sous des coups de hache. Et le pis était que les munitions allaient manquer.

— Est-ce dommage ! grogna Laurent. Ça marche si bien !

Weiss eut une idée brusque.

— Attendez !

Il venait de songer au soldat mort, là-haut, dans le grenier. Et il monta, le fouilla, pour prendre les cartouches qu’il devait avoir. Tout un pan de la toiture s’était effondré, il vit le ciel bleu, une nappe de gaie lumière qui l’étonna. Pour ne pas être tué, il se traînait sur les genoux. Puis, lorsqu’il tint les cartouches, une trentaine encore, il se hâta, redescendit au galop.

Mais, en bas, comme il partageait cette provision nou-