Page:Zola - La Débâcle.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fantassins les tint encore en échec pendant près d’un quart d’heure, d’un feu tellement nourri, que les morts s’entassaient. Ensuite, ce fut une maison, à l’autre encoignure, dont ils durent s’emparer, avant de passer outre. Par moments, dans la fumée, on distinguait une femme, avec un fusil, tirant d’une des fenêtres. C’était la maison d’un boulanger, des soldats s’y trouvaient oubliés, mêlés aux habitants ; et, la maison prise, il y eut des cris, une effroyable bousculade roula jusqu’au mur d’en face, un flot dans lequel apparut la jupe de la femme, une veste d’homme, des cheveux blancs hérissés ; puis, un feu de peloton gronda, du sang jaillit jusqu’au chaperon du mur. Les Allemands étaient inflexibles : toute personne prise les armes à la main, n’appartenant point aux armées belligérantes, était fusillée sur l’heure, comme coupable de s’être mise en dehors du droit des gens. Devant la furieuse résistance du village, leur colère montait, et les pertes effroyables qu’ils éprouvaient depuis bientôt cinq heures, les poussaient à d’atroces représailles. Les ruisseaux coulaient rouges, les morts barraient la route, certains carrefours n’étaient plus que des charniers, d’où s’élevaient des râles. Alors, dans chaque maison qu’ils emportaient de haute lutte, on les vit jeter de la paille enflammée ; d’autres couraient avec des torches, d’autres badigeonnaient les murs de pétrole ; et bientôt des rues entières furent en feu, Bazeilles flamba.

Cependant, au milieu du village, il n’y avait plus que la maison de Weiss, avec ses persiennes closes, qui gardait son air menaçant de citadelle, résolue à ne pas se rendre.

— Attention ! les voici ! cria le capitaine.

Une décharge, partie du grenier et du premier étage, coucha par terre trois des Bavarois qui s’avançaient, en rasant les murs. Les autres se replièrent, s’embusquèrent à tous les angles de la route ; et le siège de la maison commença, une telle pluie de balles fouetta la façade