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Vivement, Maurice enfila son pantalon, pour descendre. Mais Combette parut, un bougeoir à la main, gesticulant.

— Je vous ai aperçu d’en bas, en revenant de la mairie, et je suis monté vous dire… Imaginez-vous qu’ils ne m’ont pas laissé coucher, voici deux heures que nous nous occupons de nouvelles réquisitions, le maire et moi… Oui, tout est changé, une fois encore. Ah ! il avait bougrement raison, l’officier qui ne voulait pas qu’on envoyât la dépêche à Paris !

Et il continua longtemps, en phrases coupées, sans ordre, et le jeune homme finit par comprendre, muet, le cœur serré. Vers minuit, une dépêche du ministre de la guerre à l’empereur était arrivée, en réponse à celle du maréchal. On n’en connaissait pas le texte exact ; mais un aide de camp avait dit tout haut, à l’Hôtel de Ville, que l’impératrice et le conseil des ministres craignaient une révolution à Paris, si, abandonnant Bazaine, l’empereur rentrait. La dépêche, mal renseignée sur les positions véritables des Allemands, ayant l’air de croire à une avance que l’armée de Châlons n’avait plus, exigeait la marche en avant, malgré tout, avec une fièvre de passion extraordinaire.

— L’empereur a fait appeler le maréchal, ajouta le pharmacien, et ils sont restés enfermés ensemble pendant près d’une heure. Naturellement, je ne sais pas ce qu’ils ont pu se dire, mais ce que tous les officiers m’ont répété, c’est qu’on ne bat plus en retraite et que la marche sur la Meuse est reprise… Nous venons de réquisitionner tous les fours de la ville pour le 1er corps, qui remplacera ici, demain matin, le 12e, dont l’artillerie, comme vous le voyez, part en ce moment pour la Besace… Cette fois, c’est bien fini, vous voilà en route pour la bataille !

Il s’arrêta. Lui aussi regardait la fenêtre éclairée, chez le notaire. Puis, à demi-voix, d’un air de curiosité songeuse :