Chagny, par le Chêne, tandis que le 5e corps devait marcher sur Poix, le 1er et le 12e, sur Vendresse. Alors, puisqu’on reculait, pourquoi s’être avancé jusqu’à l’Aisne, pourquoi tant de journées perdues et tant de fatigues, lorsque, de Reims, il était si facile, si logique d’aller prendre tout de suite de fortes positions dans la vallée de la Marne ? Il n’y avait donc ni direction, ni talent militaire, ni simple bon sens ? Mais on ne s’interrogeait plus, on pardonnait, dans l’allégresse de cette décision si raisonnable, la seule bonne pour se tirer du guêpier où l’on s’était mis. Des généraux aux simples soldats, tous avaient cette sensation qu’on redeviendrait fort, qu’on serait invincible sous Paris, et que c’était là, nécessairement, qu’on battrait les Prussiens. Mais il fallait évacuer Vouziers dès la pointe du jour, de façon à être en marche vers le Chêne, avant d’avoir été attaqué ; et, immédiatement, le camp s’emplit d’une animation extraordinaire, les clairons sonnaient, des ordres se croisaient ; tandis que, déjà, les bagages et le convoi d’administration partaient en avant, pour ne pas alourdir l’arrière-garde.
Maurice était ravi. Puis, comme il tâchait d’expliquer à Jean le mouvement de retraite qu’on allait exécuter, un cri de douleur lui échappa : son excitation était tombée, il retrouvait son pied, lourd comme du plomb, au bout de sa jambe.
— Quoi donc ? ça recommence ? demanda le caporal, désolé.
Et ce fut lui, avec son esprit pratique, qui eut une idée.
— Écoute, mon petit, tu m’as dit hier que tu connaissais du monde, là, dans la ville. Tu devrais obtenir la permission du major et te faire conduire en voiture au Chêne, où tu passerais une bonne nuit dans un bon lit. Demain, si tu marches mieux, nous te reprendrons, en passant… Hein ? ça va-t-il ?