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songé par quelle parole, par quel sentiment éveiller cette âme. Je me suis effrayé de n’avoir pu lui rendre encore la fraîcheur de sa jeunesse. Je l’aurais voulue ignorante, avide de connaître. Je désespérais de cette indifférence morne, de cette nuit contente de son ombre, & si épaisse qu’elle se refusait au jour. Vainement je frappais au cœur de Laurence : rien ne répondait. C’était à croire que la mort avait passé là & qu’elle avait desséché chaque fibre. Un seul frémissement, je l’aurais crue sauvée.

Mais que faire de ce néant, de cette créature désolée, marbre insensible que l’affection ne pouvait animer. Les statues m’épouvantent : elles me regardent sans me voir, m’écoutent sans m’entendre.

Puis, je me suis dit que la faute était peut-être à moi, si je ne pouvais me faire comprendre. Didier aimait la Marion ; il ne cherchait point à sauver une âme, il aimait simplement, & il fit ce miracle que ma raison & ma bonté cherchaient en vain