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tu me chasses. Tu ne peux payer la beauté & tu veux que ta maîtresse soit belle. J’étais sotte de ne pas songer à cela. J’aurais dû me dire que je ne valais pas même la misère, & qu’il me fallait descendre un échelon. J’ai soif, les ruisseaux sont faits pour boire ; j’ai faim, le vol peut me nourrir. Tiens, je te remercie de tes conseils.

Elle a renoué sa robe & s’est avancée vers la porte.

— Sais-tu bien, a-t-elle continué, que nous, les infâmes, nous valons encore mieux que vous, les gens honnêtes ?

Et elle a parlé longtemps d’une voix âpre. Je ne puis rendre la force brutale de son langage. Elle disait qu’elle se prêtait à nos caprices, qu’elle riait, lorsque nous lui disions de rire, & que nous tournions la tête, plus tard, lorsque nous la rencontrions. Qui nous forçait à ses baisers, qui nous poussait le soir dans ses bras, pour que nous lui rendions tant de mépris au grand jour ? Moi, qui avais bien voulu