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LES ROUGON-MACQUART.

en avait assez d’une noce comme ça, elle préférait son chez elle. Coupeau et Lorilleux durent barrer la porte. Elle répétait :

— Ôtez-vous de là ! Je vous dis que je m’en vais !

Son mari ayant réussi à la calmer, Coupeau s’approcha de Gervaise, toujours tranquille dans son coin, causant avec sa belle-mère et madame Fauconnier.

— Mais vous ne proposez rien, vous ! dit-il, sans oser encore la tutoyer.

— Oh ! tout ce qu’on voudra, répondit-elle en riant. Je ne suis pas difficile. Sortons, ne sortons pas, ça m’est égal. Je me sens très-bien, je n’en demande pas plus.

Et elle avait, en effet, la figure tout éclairée d’une joie paisible. Depuis que les invités se trouvaient là, elle parlait à chacun d’une voix un peu basse et émue, l’air raisonnable, sans se mêler aux disputes. Pendant l’orage, elle était restée les yeux fixes, regardant les éclairs, comme voyant des choses graves, très-loin, dans l’avenir, à ces lueurs brusques.

M. Madinier, pourtant, n’avait encore rien proposé. Il était appuyé contre le comptoir, les pans de son habit écartés, gardant son importance de patron. Il cracha longuement, roula ses gros yeux.

— Mon Dieu ! dit-il, on pourrait aller au musée…

Et il se caressa le menton, en consultant la société d’un clignement de paupières.

— Il y a des antiquités, des images, des tableaux, un tas de choses. C’est très instructif… Peut-être bien que vous ne connaissez pas ça. Oh ! c’est à voir, au moins une fois.

La noce se regardait, se tâtait. Non, Gervaise ne connaissait pas ça ; madame Fauconnier non plus, ni