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L’ASSOMMOIR.

mettre son corset, elles s’étaient disputées toutes les deux. La grande veuve ajouta à l’oreille de son frère :

— Je l’ai plantée là. Elle est d’une humeur !… Tu verras quelle tête !

Et la noce dut patienter un quart d’heure encore, piétinant dans la boutique du marchand de vin, coudoyée, bousculée, au milieu des hommes qui entraient boire un canon sur le comptoir. Par moments, Boche, ou madame Fauconnier ou Bibi-la-Grillade, se détachaient, s’avançaient au bord du trottoir, les yeux en l’air. Ça ne coulait pas du tout ; le jour baissait, des souffles de vent, rasant le sol, enlevaient de petits tourbillons de poussière blanche. Au premier coup de tonnerre, mademoiselle Remanjou se signa. Tous les regards se portaient avec anxiété sur l’œil-de-bœuf, au-dessus de la glace : il était déjà deux heures moins vingt.

— Allez-y ! cria Coupeau. Voilà les anges qui pleurent.

Une rafale de pluie balayait la chaussée, où des femmes fuyaient, en tenant leurs jupes à deux mains. Et ce fut sous cette première ondée que madame Lorilleux arriva enfin, essoufflée, furibonde, se battant sur le seuil avec son parapluie qui ne voulait pas se fermer.

— A-t-on jamais vu ! bégayait-elle. Ça m’a pris juste à la porte. J’avais envie de remonter et de me déshabiller. J’aurais rudement bien fait… Ah ! elle est jolie, la noce ! Je le disais, je voulais tout renvoyer à samedi prochain. Et il pleut parce qu’on ne m’a pas écoutée ! Tant mieux ! tant mieux que le ciel crève !

Coupeau essaya de la calmer. Mais elle l’envoya coucher. Ce ne serait pas lui qui payerait sa robe, si