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L’ASSOMMOIR.

lence gardé sur son mariage, sur cette affaire si grosse pour elle, sans laquelle elle ne serait certainement pas venue. Les Lorilleux continuaient à la traiter en curieuse importune amenée par Coupeau. Et une conversation s’étant enfin engagée, elle roula uniquement sur les locataires de la maison. Madame Lorilleux demanda à son frère s’il n’avait pas entendu en montant les gens du quatrième se battre. Ces Bénard s’assommaient tous les jours ; le mari rentrait soûl comme un cochon ; la femme aussi avait bien des torts, elle criait des choses dégoûtantes. Puis, on parla du dessinateur du premier, ce grand escogriffe de Baudequin, un poseur criblé de dettes, toujours fumant, toujours gueulant avec des camarades. L’atelier de cartonnage de M. Madinier n’allait plus que d’une patte ; le patron avait encore congédié deux ouvrières la veille ; ce serait pain bénit s’il faisait la culbute, car il mangeait tout, il laissait ses enfants le derrière nu. Madame Gaudron cardait drôlement ses matelas : elle se trouvait encore enceinte, ce qui finissait par n’être guère propre, à son âge. Le propriétaire venait de donner congé aux Coquet, du cinquième ; ils devaient trois termes ; puis, ils s’entêtaient à allumer leur fourneau sur le carré ; même que, le samedi d’auparavant, mademoiselle Remanjou, la vieille du sixième, en reportant ses poupées, était descendue à temps pour empêcher le petit Linguerlot d’avoir le corps tout brûlé. Quant à mademoiselle Clémence, la repasseuse, elle se conduisait comme elle l’entendait, mais on ne pouvait pas dire, elle adorait les animaux, elle possédait un cœur d’or. Hein ! quel dommage, une belle fille pareille aller avec tous les hommes ! On la rencontrerait une nuit sur un trottoir, pour sûr.

— Tiens, en voilà une, dit Lorilleux à sa femme, en