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L’ASSOMMOIR.


— L’or ? dit-il ; tenez, en voilà, en voilà encore, et en voilà à vos pieds !

Il avait indiqué successivement le fil aminci que travaillait sa sœur, et un autre paquet de fil, pareil à une liasse de fil de fer, accroché au mur, près de l’étau ; puis, se mettant à quatre pattes, il venait de ramasser par terre, sous la claie de bois qui recouvrait le carreau de l’atelier, un déchet, un brin semblable à la pointe d’une aiguille rouillée. Gervaise se récriait. Ce n’était pas de l’or, peut-être, ce métal noirâtre, vilain comme du fer ! Il dut mordre le déchet, lui montrer l’entaille luisante de ses dents. Et il reprenait ses explications : les patrons fournissaient l’or en fil, tout allié ; les ouvriers le passaient d’abord par la filière pour l’obtenir à la grosseur voulue, en ayant soin de le faire recuire cinq ou six fois pendant l’opération, afin qu’il ne cassât pas. Oh ! il fallait une bonne poigne et de l’habitude ! Sa sœur empêchait son mari de toucher aux filières, parce qu’il toussait. Elle avait de fameux bras, il lui avait vu tirer l’or aussi mince qu’un cheveu.

Cependant, Lorilleux, pris d’un accès de toux, se pliait sur son tabouret. Au milieu de la quinte, il parla, il dit d’une voix suffoquée, toujours sans regarder Gervaise, comme s’il eût constaté la chose uniquement pour lui :

— Moi, je fais la colonne.

Coupeau força Gervaise à se lever. Elle pouvait bien s’approcher, elle verrait. Le chaîniste consentit d’un grognement. Il enroulait le fil préparé par sa femme autour d’un mandrin, une baguette d’acier très-mince. Puis, il donna un léger coup de scie, qui tout le long du mandrin coupa le fil, dont chaque tour forma un maillon. Ensuite, il souda. Les maillons étaient posés