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LES ROUGON-MACQUART.

rieux, maintenant ; réfléchissez, je vous en prie.

Mais il continuait à hocher la tête, d’un air de résolution inébranlable. C’était tout réfléchi. Il était descendu, parce qu’il avait besoin de passer une bonne nuit. Elle n’allait pas le laisser remonter pleurer, peut-être ! Dès qu’elle aurait dit oui, il ne la tourmenterait plus, elle pourrait se coucher tranquille. Il voulait simplement lui entendre dire oui. On causerait le lendemain.

— Bien sûr, je ne dirai pas oui comme ça, reprit Gervaise. Je ne tiens pas à ce que, plus tard, vous m’accusiez de vous avoir poussé à faire une bêtise… Voyez-vous, monsieur Coupeau, vous avez tort de vous entêter. Vous ignorez vous-même ce que vous éprouvez pour moi. Si vous ne me rencontriez pas de huit jours, ça vous passerait, je parie. Les hommes, souvent, se marient pour une nuit, la première, et puis les nuits se suivent, les jours s’allongent, toute la vie, et ils sont joliment embêtés… Asseyez-vous là, je veux bien causer tout de suite.

Alors, jusqu’à une heure du matin, dans la chambre noire, à la clarté fumeuse d’une chandelle qu’ils oubliaient de moucher, ils discutèrent leur mariage, baissant la voix, afin de ne pas réveiller les deux enfants, Claude et Étienne, qui dormaient avec leur petit souffle, la tête sur le même oreiller. Et Gervaise revenait toujours à eux, les montrait à Coupeau ; c’était là une drôle de dot qu’elle lui apportait, elle ne pouvait vraiment pas l’encombrer de deux mioches. Puis, elle était prise de honte pour lui. Qu’est-ce qu’on dirait dans le quartier ? On l’avait connue avec son amant, on savait son histoire ; ce ne serait guère propre, quand on les verrait s’épouser, au bout de deux mois à peine. À toutes ces bonnes raisons, Cou-