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LES ROUGON-MACQUART.

des Lorilleux. Un matin, comme ça sentait mauvais dans le corridor, on se rappela qu’on ne l’avait pas vue depuis deux jours ; et on la découvrit déjà verte, dans sa niche.

Justement, ce fut le père Bazouge qui vint, avec la caisse des pauvres sous le bras, pour l’emballer. Il était encore joliment soûl, ce jour-là, mais bon zig tout de même, et gai comme un pinson. Quand il eut reconnu la pratique à laquelle il avait affaire, il lâcha des réflexions philosophiques, en préparant son petit ménage.

— Tout le monde y passe… On n’a pas besoin de se bousculer, il y a de la place pour tout le monde… Et c’est bête d’être pressé, parce qu’on arrive moins vite… Moi, je ne demande pas mieux que de faire plaisir. Les uns veulent, les autres ne veulent pas. Arrangez un peu ça, pour voir… En v’là une qui ne voulait pas, puis elle a voulu. Alors, on l’a fait attendre… Enfin, ça y est, et, vrai ! elle l’a gagné ! Allons-y gaiement !

Et, lorsqu’il empoigna Gervaise dans ses grosses mains noires, il fut pris d’une tendresse, il souleva doucement cette femme qui avait eu un si long béguin pour lui. Puis, en l’allongeant au fond de la bière avec un soin paternel, il bégaya, entre deux hoquets :

— Tu sais… écoute bien… c’est moi, Bibi-la-Gaieté, dit le consolateur des dames… Va, t’es heureuse. Fais dodo, ma belle !