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LES ROUGON-MACQUART.

Quand Gervaise rentra rue de la Goutte-d’Or, elle trouva chez les Boche un tas de commères qui jabotaient d’une voix allumée. Elle crut qu’on l’attendait pour avoir des nouvelles, comme les autres jours.

— Il est claqué, dit-elle en poussant la porte, tranquillement, la mine éreintée et abêtie.

Mais on ne l’écoutait pas. Toute la maison était en l’air. Oh ! une histoire impayable ! Poisson avait pigé sa femme avec Lantier. On ne savait pas au juste les choses, parce que chacun racontait ça à sa manière. Enfin, il était tombé sur leur dos au moment où les deux autres ne l’attendaient pas. Même on ajoutait des détails que les dames se répétaient en pinçant les lèvres. Une vue pareille, naturellement, avait fait sortir Poisson de son caractère. Un vrai tigre ! Cet homme, peu causeur, qui semblait marcher avec un bâton dans le derrière, s’était mis à rugir et à bondir. Puis, on n’avait plus rien entendu. Lantier devait avoir expliqué l’affaire au mari. N’importe, ça ne pouvait plus aller loin. Et Boche annonçait que la fille du restaurant d’à côté prenait décidément la boutique, pour y installer une triperie. Ce roublard de chapelier adorait les tripes.

Cependant, Gervaise, en voyant arriver madame Lorilleux avec madame Lerat, répéta mollement :

— Il est claqué… Mon Dieu ! quatre jours à gigoter et à gueuler…

Alors, les deux sœurs ne purent pas faire autrement que de tirer leurs mouchoirs. Leur frère avait eu bien des torts, mais enfin c’était leur frère. Boche haussa les épaules, en disant assez haut pour être entendu de tout le monde :

— Bah ! c’est un soûlard de moins !

Depuis ce jour, comme Gervaise perdait la tête sou-