Page:Zola - L'Assommoir.djvu/547

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XIII

Coupeau tira une bordée, cette nuit-là. Le lendemain, Gervaise reçut dix francs de son fils Étienne, qui était mécanicien dans un chemin de fer ; le petit lui envoyait des pièces de cent sous de temps à autre, sachant qu’il n’y avait pas gras à la maison. Elle mit un pot-au-feu et le mangea toute seule, car cette rosse de Coupeau ne rentra pas davantage le lendemain. Le lundi personne, le mardi personne encore. Toute la semaine se passa. Ah ! nom d’un chien ! si une dame l’avait enlevé, c’est ça qui aurait pu s’appeler une chance. Mais, juste le dimanche, Gervaise reçut un papier imprimé, qui lui fit peur d’abord, parce qu’on aurait dit une lettre du commissaire de police. Puis, elle se rassura, c’était simplement pour lui apprendre que son cochon était en train de crever à Sainte-Anne. Le papier disait ça plus poliment, seulement ça revenait au même. Oui, c’était bien une dame qui avait enlevé Coupeau, et cette dame s’appelait Sophie Tourne-de-l’œil, la dernière bonne amie des pochards.

Ma foi, Gervaise ne se dérangea pas. Il connaissait le chemin, il reviendrait bien tout seul de l’asile ; on l’y avait tant de fois guéri, qu’on lui ferait une fois de plus la mauvaise farce de le remettre sur ses pattes.