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L’ASSOMMOIR.

Ça devait attirer les hommes tout de suite. Et elle baissait la voix, elle n’osait plus que bégayer dans le dos des passants :

— Monsieur, écoutez donc…

Cependant, il devait être très tard. Ça se gâtait, dans le quartier. Les gargots étaient fermés, le gaz rougissait chez les marchands de vin, d’où sortaient des voix empâtées d’ivresse. La rigolade tournait aux querelles et aux coups. Un grand diable dépenaillé gueulait : « Je vas te démolir, numérote tes os ! » Une fille s’était empoignée avec son amant, à la porte d’un bastringue, l’appelant sale mufe et cochon malade, tandis que l’amant répétait : « Et ta sœur ? » sans trouver autre chose. La soûlerie soufflait dehors un besoin de s’assommer, quelque chose de farouche, qui donnait aux passants plus rares des visages pâles et convulsés. Il y eut une bataille, un soûlard tomba pile, les quatre fers en l’air, pendant que son camarade, croyant lui avoir réglé son compte, fuyait en tapant ses gros souliers. Des bandes braillaient de sales chansons, de grands silences se faisaient, coupés par des hoquets et des chutes sourdes d’ivrognes. La noce de la quinzaine finissait toujours ainsi, le vin coulait si fort depuis six heures, qu’il allait se promener sur les trottoirs. Oh ! de belles fusées, des queues de renard élargies au beau milieu du pavé, que les gens attardés et délicats étaient obligés d’enjamber, pour ne pas marcher dedans ! Vrai, le quartier était propre ! Un étranger, qui serait venu le visiter avant le balayage du matin, en aurait emporté une jolie idée. Mais, à cette heure, les soûlards étaient chez eux, ils se fichaient de l’Europe. Nom de Dieu ! les couteaux sortaient des poches et la petite fête s’achevait dans le sang. Des femmes marchaient