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L’ASSOMMOIR.

puis reprenant une petite danse modeste, avec un roulement de hanches et de gorge d’un chic épatant. C’était à l’emporter dans un coin pour la manger de caresses.

Cependant, Coupeau, tombant en plein dans la pastourelle, dérangeait la figure et recevait des bourrades.

— Je vous dis que c’est ma fille ! cria-t-il. Laissez-moi passer !

Nana, précisément, s’en allait à reculons, balayant le parquet avec ses plumes, arrondissant son postérieur et lui donnant de petites secousses, pour que ce fût plus gentil. Elle reçut un maître coup de soulier, juste au bon endroit, se releva et devint toute pâle en reconnaissant son père et sa mère. Pas de chance, par exemple !

— À la porte ! hurlaient les danseurs.

Mais Coupeau, qui venait de retrouver dans le cavalier de sa fille le jeune homme maigre au paletot, se fichait pas mal du monde.

— Oui, c’est nous ! gueulait-il. Hein ! tu ne t’attendais pas… Ah ! c’est ici qu’on te pince, et avec un blanc-bec qui m’a manqué de respect tout à l’heure !

Gervaise, les dents serrées, le poussa, en disant :

— Tais-toi !… Il n’y a pas besoin de tant d’explications.

Et, s’avançant, elle flanqua à Nana deux gifles soignées. La première mit de côté le chapeau à plumes, la seconde resta marquée en rouge sur la joue blanche comme un linge. Nana, stupide, les reçut sans pleurer, sans se rebiffer. L’orchestre continuait, la foule se fâchait et répétait violemment :

— À la porte ! à la porte !

— Allons, file ! reprit Gervaise ; marche devant ! et