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L’ASSOMOIR.

Gervaise tâchait vainement de le calmer. Il s’étalait dans ses guenilles, il tapait sur sa blouse, en gueulant :

— Là-dedans, il y a la poitrine d’un homme !

Alors, le jeune homme se perdit au milieu de la foule, en murmurant :

— En voilà un sale voyou !

Coupeau voulut le rattraper. Plus souvent qu’il se laissât mécaniser par un paletot ! Il n’était seulement pas payé, celui-là ! Quelque pelure d’occasion pour lever une femme sans lâcher un centime. S’il le retrouvait, il le collait à genoux et lui faisait saluer la blouse. Mais l’étouffement était trop grand, on ne pouvait pas marcher. Gervaise et lui tournaient avec lenteur autour des danses ; un triple rang de curieux s’écrasaient, les faces allumées, lorsqu’un homme s’étalait ou qu’une dame montrait tout en levant la jambe ; et, comme ils étaient petits l’un et l’autre, ils se haussaient sur les pieds, pour voir quelque chose, les chignons et les chapeaux qui sautaient. L’orchestre, de ses instruments de cuivre fêlés, jouait furieusement un quadrille, une tempête dont la salle tremblait ; tandis que les danseurs, tapant des pieds, soulevaient une poussière qui alourdissait le flamboiement du gaz. La chaleur était à crever.

— Regarde donc ! dit tout d’un coup Gervaise.

— Quoi donc ?

— Ce caloquet de velours, là-bas.

Ils se grandirent. C’était, à gauche, un vieux chapeau de velours noir, avec deux plumes déguenillées qui se balançaient ; un vrai plumet de corbillard. Mais ils n’apercevaient toujours que ce chapeau, dansant un chahut de tous les diables, cabriolant, tourbillonnant, plongeant et jaillissant. Ils le perdaient parmi