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LES ROUGON-MACQUART.

sans cesser de sourire, lui rendit le bien pour le mal, en faisant la souris le long de son genou, sous le comptoir ; et il retira sa main d’une façon naturelle, lorsque le mari leva la tête, montrant son impériale et ses moustaches rouges, hérissées dans sa face terreuse.

— Justement, dit le sergent de ville, je travaillais à votre intention, Auguste. C’était un souvenir d’amitié.

— Ah ! fichtre alors, je garderai votre petite machine ! reprit Lantier en riant. Vous savez, je me la mettrai au cou avec un ruban.

Puis, brusquement, comme si cette idée en éveillait une autre :

— À propos ! s’écria-t-il, j’ai rencontré Nana, hier soir.

Du coup, l’émotion de cette nouvelle assit Gervaise dans la mare d’eau sale qui emplissait la boutique. Elle demeura suante, essoufflée, avec sa brosse à la main.

— Ah ! murmura-t-elle simplement.

— Oui, je descendais la rue des Martyrs, je regardais une petite qui se tortillait au bras d’un vieux, devant moi, et je me disais : Voilà un troufignon que je connais… Alors, j’ai redoublé le pas, je me suis trouvé nez à nez avec ma sacrée Nana… Allez, vous n’avez pas à la plaindre, elle est bien heureuse, une jolie robe de laine sur le dos, une croix d’or au cou, et l’air drôlichon avec ça !

— Ah ! répéta Gervaise d’une voix plus sourde.

Lantier, qui avait fini les pastilles, prit un sucre d’orge dans un autre bocal.

— Elle a un vice, cette enfant ! continua-t-il. Imaginez-vous qu’elle m’a fait signe de la suivre, avec un