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L’ASSOMMOIR.

tilles, de boules de gomme, de dragées et de chocolat. Les dragées surtout, qu’il appelait des « amandes sucrées », lui mettaient une petite mousse aux lèvres, tant elles lui chatouillaient la gargamelle. Depuis un an, il ne vivait plus que de bonbons. Il ouvrait les tiroirs, se fichait des culottes tout seul, quand Virginie le priait de garder la boutique. Souvent, en causant, devant des cinq ou six personnes, il ôtait le couvercle d’un bocal du comptoir, plongeait la main, croquait quelque chose ; le bocal restait ouvert et se vidait. On ne faisait plus attention à ça, une manie, disait-il. Puis, il avait imaginé un rhume perpétuel, une irritation de la gorge, qu’il parlait d’adoucir. Il ne travaillait toujours pas, avait en vue des affaires de plus en plus considérables ; pour lors, il mijotait une invention superbe, le chapeau-parapluie, un chapeau qui se transformait sur la tête en rifflard, aux premières gouttes d’une averse ; et il promettait à Poisson une moitié des bénéfices, il lui empruntait même des pièces de vingt francs, pour les expériences. En attendant, la boutique fondait sur sa langue ; toutes les marchandises y passaient, jusqu’aux cigares en chocolat et aux pipes de caramel rouge. Quand il crevait de sucreries, et que, pris de tendresse, il se payait une dernière lichade sur la patronne, dans un coin, celle-ci le trouvait tout sucré, les lèvres comme des pralines. Un homme joliment gentil à embrasser ! Positivement, il devenait tout miel. Les Boche disaient qu’il lui suffisait de tremper son doigt dans son café, pour en faire un vrai sirop.

Lantier, attendri par ce dessert continu, se montrait paternel pour Gervaise. Il lui donnait des conseils, la grondait de ne plus aimer le travail. Que diable ! une femme, à son âge, devait savoir se re-