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LES ROUGON-MACQUART.

vous voulez bien nous permettre de vous offrir quelque chose…

Et il entra le premier chez un marchand de vin de la rue Marcadet, À la descente du cimetière. Gervaise, demeurée sur le trottoir, appela Goujet qui s’éloignait, après l’avoir saluée d’un nouveau signe de tête. Pourquoi n’acceptait-il pas un verre de vin ? Mais il était pressé, il retournait à l’atelier. Alors, ils se regardèrent un moment sans rien dire.

— Je vous demande pardon pour les soixante francs, murmura enfin la blanchisseuse. J’étais comme une folle, j’ai songé à vous…

— Oh ! il n’y a pas de quoi, vous êtes pardonnée, interrompit le forgeron. Et, vous savez, tout à votre service, s’il vous arrivait un malheur… Mais n’en dites rien à maman, parce qu’elle a ses idées, et que je ne veux pas la contrarier.

Elle le regardait toujours ; et, en le voyant si bon, si triste, avec sa belle barbe jaune, elle fut sur le point d’accepter son ancienne proposition, de s’en aller avec lui, pour être heureux ensemble quelque part. Puis, il lui vint une autre mauvaise pensée, celle de lui emprunter ses deux termes, à n’importe quel prix. Elle tremblait, elle reprit d’une voix caressante :

— Nous ne sommes pas fâchés, n’est-ce pas ?

Lui, hocha la tête, en répondant :

— Non, bien sûr, jamais nous ne serons fâchés… Seulement, vous comprenez, tout est fini.

Et il s’en alla à grandes enjambées, laissant Gervaise étourdie, écoutant sa dernière parole battre dans ses oreilles avec un bourdonnement de cloche. En entrant chez le marchand de vin, elle entendait sourdement au fond d’elle : « Tout est fini, eh bien !