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L’ASSOMMOIR.

aux morts interdisait toute discussion. Il se retira discrètement, à reculons.

— Mille pardons de vous avoir dérangés, murmura-t-il. Après-demain matin, n’oubliez pas.

Et, comme en s’en allant il passait de nouveau devant le cabinet, il salua une dernière fois le corps d’une génuflexion dévote, à travers la porte grande ouverte.

On mangea d’abord vite, pour ne pas paraître y prendre du plaisir. Mais, arrivé au dessert, on s’attarda, envahi d’un besoin de bien-être. Par moments, la bouche pleine, Gervaise ou l’une des deux sœurs se levait, allait jeter un coup d’œil dans le cabinet, sans même lâcher sa serviette ; et quand elle se rasseyait, achevant sa bouchée, les autres la regardaient une seconde, pour voir si tout marchait bien, à côté. Puis, les dames se dérangèrent moins souvent, maman Coupeau fut oubliée. On avait fait un baquet de café, et du très-fort, afin de se tenir éveillé toute la nuit. Les Poisson vinrent sur les huit heures. On les invita à en boire un verre. Alors, Lantier, qui guettait le visage de Gervaise, parut saisir une occasion attendue par lui depuis le matin. À propos de la saleté des propriétaires qui entraient demander de l’argent dans les maisons où il y avait un mort, il dit brusquement :

— C’est un jésuite, ce salaud, avec son air de servir la messe !… Mais, moi, à votre place, je lui planterais là sa boutique.

Gervaise, éreintée de fatigue, molle et énervée, répondit en s’abandonnant :

— Oui, bien sûr, je n’attendrai pas les hommes de loi… Ah ! j’en ai plein le dos, plein le dos.

Les Lorilleux, jouissant à l’idée que la Banban n’au-