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vaise. Lorsque je devrais me vendre moi-même, je ne veux avoir aucun reproche à me faire. J’ai nourri maman Coupeau sans vous, je l’enterrerai bien sans vous… Déjà une fois, je ne vous l’ai pas mâché : je ramasse les chats perdus, ce n’est pas pour laisser votre mère dans la crotte.

Alors, madame Lorilleux pleura, et Lantier dut l’empêcher de partir. La querelle devenait si bruyante, que madame Lerat, poussant des chut ! énergiques, crut devoir aller doucement dans le cabinet, et jeta sur la morte un regard fâché et inquiet, comme si elle craignait de la trouver éveillée, écoutant ce qu’on discutait à côté d’elle. À ce moment, la ronde des petites filles reprenait dans la cour, le filet de voix perçant de Nana dominait les autres.

Notre âne, notre âne,
Il a bien mal au ventre,
Madame lui a fait faire
Un joli ventrouilloire,
Et des souliers lilas, la, la,
Et des souliers lilas !

— Mon Dieu ! que ces enfants sont énervants, avec leur chanson ! dit à Lantier Gervaise toute secouée et près de sangloter d’impatience et de tristesse. Faites-les donc taire, et reconduisez Nana chez la concierge à coups de pied quelque part !

Madame Lerat et madame Lorilleux s’en allèrent déjeuner en promettant de revenir. Les Coupeau se mirent à table, mangèrent de la charcuterie, mais sans faim, en n’osant seulement pas taper leur fourchette. Ils étaient très ennuyés, hébétés, avec cette pauvre maman Coupeau qui leur pesait sur les épaules et leur paraissait emplir toutes les pièces. Leur vie se trouvait dérangée. Dans le premier moment, ils piéti-