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LES ROUGON-MACQUART.

de buis. Maintenant, si du monde venait, ce serait propre, au moins. Et l’on disposa les chaises en rond, dans la boutique, pour recevoir.

Lantier rentra seulement à onze heures. Il avait demandé des renseignements au bureau des pompes funèbres.

— La bière est de douze francs, dit-il. Si vous voulez avoir une messe, ce sera dix francs de plus. Enfin, il y a le corbillard, qui se paie suivant les ornements…

— Oh ! c’est bien inutile, murmura madame Lorilleux, en levant la tête d’un air surpris et inquiet. On ne ferait pas revenir maman, n’est-ce pas ?… Il faut aller selon sa bourse.

— Sans doute, c’est ce que je pense, reprit le chapelier. J’ai seulement pris les chiffres pour votre gouverne… Dites-moi ce que vous désirez ; après le déjeuner, j’irai commander.

On parlait à demi-voix, dans le petit jour qui éclairait la pièce par les fentes des volets. La porte du cabinet restait grande ouverte ; et, de cette ouverture béante, sortait le gros silence de la mort. Des rires d’enfants montaient dans la cour, une ronde de gamines tournait, au pâle soleil d’hiver. Tout à coup, on entendit Nana, qui s’était échappée de chez les Boche, où on l’avait envoyée. Elle commandait de sa voix aiguë, et les talons battaient les pavés, tandis que ces paroles chantées s’envolaient avec un tapage d’oiseaux braillards :

Notre âne, notre âne,
Il a mal à la patte.
Madame lui a fait faire
Un joli patatoire,
Et des souliers lilas, la, la,
Et des souliers lilas !