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L’ASSOMMOIR.

dèrent seulement une bougie allumée, posée à terre, derrière l’armoire. Mais, vers trois heures, Gervaise sauta brusquement du lit, grelottante, prise d’une angoisse. Elle avait cru sentir un souffle froid lui passer sur le corps. Le bout de bougie était brûlé, elle renouait ses jupons dans l’obscurité, étourdie, les mains fiévreuses. Ce fut seulement dans le cabinet, après s’être cognée aux meubles, qu’elle put allumer une petite lampe. Au milieu du silence écrasé des ténèbres, les ronflements du zingueur mettaient seuls deux notes graves. Nana, étalée sur le dos, avait un petit souffle, entre ses lèvres gonflées. Et Gervaise, ayant baissé la lampe qui faisait danser de grandes ombres, éclaira le visage de maman Coupeau, la vit toute blanche, la tête roulée sur l’épaule, avec les yeux ouverts. Maman Coupeau était morte.

Doucement, sans pousser un cri, glacée et prudente, la blanchisseuse revint dans la chambre de Lantier. Il s’était rendormi. Elle se pencha, en murmurant :

— Dis donc, c’est fini, elle est morte.

Tout appesanti de sommeil, mal éveillé, il grogna d’abord :

— Fiche-moi la paix, couche-toi… Nous ne pouvons rien lui faire, si elle est morte.

Puis, il se leva sur un coude, demandant :

— Quelle heure est-il ?

— Trois heures.

— Trois heures seulement ! Couche-toi donc. Tu vas prendre du mal… Lorsqu’il fera jour, on verra.

Mais elle ne l’écoutait pas, elle s’habillait complètement. Lui, alors, se recolla sous la couverture, le nez contre la muraille, en parlant de la sacrée tête des femmes. Est-ce que c’était pressé d’annoncer au