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LES ROUGON-MACQUART.

linge chez ces braves gens, se trouvait-elle prise d’un serrement au cœur, dès la première marche de l’escalier.

— Ah ! c’est vous enfin ! lui dit sèchement madame Goujet, en lui ouvrant la porte. Quand j’aurai besoin de la mort, je vous l’enverrai chercher.

Gervaise entra, embarrassée, sans oser même balbutier une excuse. Elle n’était plus exacte, ne venait jamais à l’heure, se faisait attendre des huit jours. Peu à peu, elle s’abandonnait à un grand désordre.

— Voilà une semaine que je compte sur vous, continua la dentellière. Et vous mentez avec ça, vous m’envoyez votre apprentie me raconter des histoires : on est après mon linge, on va me le livrer le soir même, ou bien c’est un accident, le paquet qui est tombé dans un seau. Moi, pendant ce temps-là, je perds ma journée, je ne vois rien arriver et je me tourmente l’esprit. Non, vous n’êtes pas raisonnable… Voyons, qu’est-ce que vous avez, dans ce panier ! Est-ce tout, au moins ! M’apportez-vous la paire de draps que vous me gardez depuis un mois, et la chemise qui est restée en arrière, au dernier blanchissage ?

— Oui, oui, murmura Gervaise, la chemise y est. La voici.

Mais madame Goujet se récria. Cette chemise n’était pas à elle, elle n’en voulait pas. On lui changeait son linge, c’était le comble ! Déjà, l’autre semaine, elle avait eu deux mouchoirs qui ne portaient pas sa marque. Ça ne la ragoûtait guère, du linge venu elle ne savait d’où. Puis, enfin, elle tenait à ses affaires.

— Et les draps ? reprit-elle. Ils sont perdus, n’est-ce pas ?… Eh bien ! ma petite, il faudra vous arranger, mais je les veux quand même demain matin, entendez-vous !