Page:Zola - L'Assommoir.djvu/351

Cette page a été validée par deux contributeurs.
351
L’ASSOMMOIR.

— Pardi ! murmura madame Lorilleux, ça doit avoir commencé le premier jour… Du moment où ça plaît à Coupeau, nous n’avons pas à nous en mêler ! N’importe ! ce n’est guère honorable pour la famille.

— Moi, si j’étais là, expliqua madame Lerat en pinçant les lèvres, je lui ferais une peur, je lui crierais quelque chose, n’importe quoi : Je te vois ! ou bien : V’là les gendarmes !… La domestique d’un médecin m’a dit que son maître lui avait dit que ça pouvait tuer raide une femme, dans un certain moment. Et si elle restait sur la place, n’est-ce pas ? ce serait bien fait, elle se trouverait punie par où elle aurait péché.

Tout le quartier sut bientôt que, chaque nuit, Gervaise allait retrouver Lantier. Madame Lorilleux, devant les voisines, avait une indignation bruyante ; elle plaignait son frère, ce jeanjean que sa femme peignait en jaune de la tête aux pieds ; et, à l’entendre, si elle entrait encore dans un pareil bazar, c’était uniquement pour sa pauvre mère, qui se trouvait forcée de vivre au milieu de ces abominations. Alors, le quartier tomba sur Gervaise. Ça devait être elle qui avait débauché le chapelier. On voyait ça dans ses yeux. Oui, malgré les vilains bruits, ce sacré sournois de Lantier restait gobé, parce qu’il continuait ses airs d’homme comme il faut avec tout le monde, marchant sur les trottoirs en lisant le journal, prévenant et galant auprès des dames, ayant toujours à donner des pastilles et des fleurs. Mon Dieu ! lui, faisait son métier de coq ; un homme est un homme, on ne peut pas lui demander de résister aux femmes qui se jettent à son cou. Mais elle, n’avait pas d’excuse ; elle déshonorait la rue de la Goutte-d’Or. Et les Lorilleux, comme parrain et marraine, attiraient Nana chez eux pour avoir des détails. Quand ils la ques-