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LES ROUGON-MACQUART.

— Écoute, dis-lui que tu le veux… Oui, à ce monsieur-là… Dis-lui bien fort : Je le veux !

— Je le veux ! bégaya Étienne, la bouche empâtée de sommeil.

Tout le monde se mit à rire. Mais Lantier reprit bientôt son air grave et pénétré. Il serra la main de Coupeau, par-dessus la table, en disant :

— J’accepte… C’est de bonne amitié de part et d’autre, n’est-ce pas ? Oui, j’accepte pour l’enfant.

Dès le lendemain, le propriétaire, M. Marescot, étant venu passer une heure dans la loge des Boche, Gervaise lui parla de l’affaire. Il se montra d’abord inquiet, refusant, se fâchant, comme si elle lui avait demandé d’abattre toute une aile de sa maison. Puis, après une inspection minutieuse des lieux, lorsqu’il eut regardé en l’air pour voir si les étages supérieurs n’allaient pas être ébranlés, il finit par donner l’autorisation, mais à la condition de ne supporter aucun frais ; et les Coupeau durent lui signer un papier, dans lequel ils s’engageaient à rétablir les choses en l’état, à l’expiration de leur bail. Le soir même, le zingueur amena des camarades, un maçon, un menuisier, un peintre, de bons zigs qui feraient cette bricole-là après leur journée, histoire de rendre service. La pose de la nouvelle porte, le nettoyage de la pièce, n’en coûtèrent pas moins une centaine de francs, sans compter les litres dont on arrosa la besogne. Le zingueur dit aux camarades qu’il leur paierait ça plus tard, avec le premier argent de son locataire. Ensuite, il fut question de meubler la pièce. Gervaise y laissa l’armoire de maman Coupeau ; elle ajouta une table et deux chaises, prises dans sa propre chambre ; il lui fallut enfin acheter une table-toilette et un lit, avec la literie complète, en tout cent trente francs, qu’elle devait