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LES ROUGON-MACQUART.

deux lampes qui charbonnaient. La clameur de cette rigolade énorme couvrait le roulement des dernières voitures. Deux sergents de ville, croyant à une émeute, accoururent ; mais, en apercevant Poisson, ils eurent un petit salut d’intelligence. Ils s’éloignèrent lentement, côte à côte, le long des maisons noires.

Coupeau en était à ce couplet :

L’ dimanche, à la P’tit’-Villette,
Après la chaleur,
J’allons chez mon oncl’ Tinette,
Qu’est maîtr’ vidangeur.
Pour avoir des noyaux d’ c’rise,
En nous en r’tournant.
I’ s’roul’ dans la marchandise :
Qué cochon d’enfant !
Qué cochon d’enfant !

Alors, la maison craqua, un tel gueulement monta dans l’air tiède et calme de la nuit, que ces gueulards-là s’applaudirent eux-mêmes, car il ne fallait pas espérer de pouvoir gueuler plus fort.

Personne de la société ne parvint jamais à se rappeler au juste comment la noce se termina. Il devait être très tard, voilà tout, parce qu’il ne passait plus un chat dans la rue. Peut-être bien, tout de même, qu’on avait dansé autour de la table, en se tenant par les mains. Ça se noyait dans un brouillard jaune, avec des figures rouges qui sautaient, la bouche fendue d’une oreille à l’autre. Pour sûr, on s’était payé du vin à la française vers la fin ; seulement, on ne savait plus si quelqu’un n’avait pas fait la farce de mettre du sel dans les verres. Les enfants devaient s’être déshabillés et couchés seuls. Le lendemain, madame Boche se vantait d’avoir allongé deux calottes à Boche, dans un coin, où il causait de trop près avec la charbonnière ; mais Boche, qui ne se souvenait de