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L’ASSOMMOIR.

jupon et un paquet de chemises. Elle avait la cervelle ailleurs ; elle emmena Gervaise dans la chambre du fond.

— Dites donc, ma petite, murmura-t-elle rapidement, je veux vous avertir… Vous ne devineriez jamais qui j’ai rencontré au bout de la rue ? Lantier, ma chère ! Il est là à rôder, à guetter… Alors, je suis accourue. Ça m’a effrayée pour vous, vous comprenez.

La blanchisseuse était devenue toute pâle. Que lui voulait-il donc, ce malheureux ? Et justement il tombait en plein dans les préparatifs de la fête. Jamais elle n’avait eu de chance ; on ne pouvait pas lui laisser prendre un plaisir tranquillement. Mais Virginie lui répondait qu’elle était bien bonne de se tourner la bile. Pardi ! si Lantier s’avisait de la suivre, elle appellerait un agent et le ferait coffrer. Depuis un mois que son mari avait obtenu sa place de sergent de ville, la grande brune prenait des allures cavalières et parlait d’arrêter tout le monde. Comme elle élevait la voix, en souhaitant d’être pincée dans la rue, à la seule fin d’emmener elle-même l’insolent au poste et de le livrer à Poisson, Gervaise, d’un geste, la supplia de se taire, parce que les ouvrières écoutaient. Elle rentra la première dans la boutique ; elle reprit, en affectant beaucoup de calme :

— Maintenant, il faudrait un légume ?

— Hein ? des petits pois au lard, dit Virginie. Moi, je ne mangerais que de ça.

— Oui, oui, des petits pois au lard ! approuvèrent toutes les autres, pendant qu’Augustine, enthousiasmée, enfonçait de grands coups de tisonnier dans la mécanique.

Le lendemain dimanche, dès trois heures, maman Coupeau alluma les deux fourneaux de la maison et