Page:Zola - L'Assommoir.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
L’ASSOMMOIR.

dernière pièce de linge, il y eut des rires à la porte du lavoir.

— C’est deux gosses qui demandent maman ! cria Charles.

Toutes les femmes se penchèrent. Gervaise reconnut Claude et Étienne. Dès qu’ils l’aperçurent, ils coururent à elle, au milieu des flaques, tapant sur les dalles les talons de leurs souliers dénoués. Claude, l’aîné, donnait la main à son petit frère. Les laveuses, sur leur passage, avaient de légers cris de tendresse, à les voir un peu effrayés, souriant pourtant. Et ils restèrent là, devant leur mère, sans se lâcher, levant leurs têtes blondes.

— C’est papa qui vous envoie ? demanda Gervaise.

Mais comme elle se baissait pour rattacher les cordons des souliers d’Étienne, elle vit, à un doigt de Claude, la clef de la chambre avec son numéro de cuivre, qu’il balançait.

— Tiens ! tu m’apportes la clef ! dit-elle, très-surprise. Pourquoi donc ?

L’enfant, en apercevant la clef qu’il avait oubliée à son doigt, parut se souvenir et cria de sa voix claire :

— Papa est parti.

— Il est allé acheter le déjeuner, il vous a dit de venir me chercher ici ?

Claude regarda son frère, hésita, ne sachant plus. Puis, il reprit d’un trait :

— Papa est parti… Il a sauté du lit, il a mis toutes les affaires dans la malle, il a descendu la malle sur une voiture… Il est parti.

Gervaise, accroupie, se releva lentement, la figure blanche, portant les mains à ses joues et à ses tempes, comme si elle entendait sa tête craquer. Et elle ne put